Un texte de Stanislas Breton, "Passage, mon beau souci" , ouvre le mélange que, en 2004, les amis et les collègues ont consacré à Jean Greisch. Ce texte, dense, vibre de l’écho d’un vœu, que le souci heideggerien soit dépassé en vue d’un souci visant une « pratique très pragmatique du quotidien » ainsi que tous ses besoins vitaux, ce qui se résume par « le verbe habiter, inséparable de l’image persistante de la maison ou de la demeure, […] dont on ne sort qu’à condition d’y faire retour » . Ces besoins ne sont aucunement biologiques mais ils sont, pour ainsi dire, ontologiques, car « de même que tout ce que nous percevons et concevons se détache sur un horizon de monde, de même tout ce dont nous avons souci ne s’affirme que sur l’horizon d’un plus ample souci » . Et Breton poursuit : « La fonction méta, ancrée elle-même dans la pensée illimitante de l’être en tant qu’être, bouscule les limites du particulier pour le référer au méta-régional de l’universel. Sans cette élévation à l’universel, […] nulle philosophie ne (serait) possible. C’est pourquoi il n’est de souci au pluriel que par la référence à l’universalité d’un souci fondamental » . « Elévation à l’universel » qui assume la forme d’une traversée active, cette traversée et ce passage que le philosophe accomplit afin de les partager avec tout homme . Le passage est donc un motif caractérisant la philosophie, et cela non seulement parce qu’il amplifie tout être-là, mais encore parce qu’il s’enracine dans « l’être-dans » ainsi que dans « l’être-vers » caractérisant la condition humaine, à savoir dans cette « mobilité originaire et dynamique » qui fait que le philosophe soit en même temps passeur et médiateur de tout homme vers « sa » vérité et, peut-être, vers « la » vérité. Or c’est parce qu’il est passeur et médiateur que le philosophe croise le même langage que la « fonction méta », et donc le langage du transit ainsi que du déplacement. À ce transit et déplacement, bref, à ce passage de part à part philosophique, je me permets de juxtaposer une autre formule : « Passage, mon beau défi ». Si ce changement n’est aucunement un artifice rhétorique, c’est parce que mon hypothèse est que le défi est la Wiederholung que Greisch, (lecteur de Heidegger mais encore ami et lecteur de Ricoeur et Breton) fait de la métaphysique par la médiation (ou méditation) sur la « fonction méta ». Le cadre dans lequel cet article inscrit cette Wiederholung est le passage que Jean Greish a accompli de « l’âge herméneutique de la raison » vers l’« âge traductif de raison », un passage qui se donne même par le transit que la « fonction méta » met en œuvre. Donc, « passage, mon beau défi » mais encore « passage, ma belle Wiederholung » de l’herméneutique vers une nouvelle répétition de la « fonction méta » ainsi que des questions que celle-ci croise. Et ces questions, ne sont rien moins que les « contenus » que, ayant été découverts par la phénoménologie et l’herméneutique, la « fonction méta » livre à nouveau à la métaphysique – ou à la méditation métaphilosophique après la fin de la métaphysique. Et pourtant, quel genre de passeur, ou quel médiateur est-il le philosophe que par sa répétition occasionne le passage de tout homme vers « sa » vérité et, peut-être, « la » vérité, en devenant ainsi médiateur « de la » vérité ? Voilà les questions aux quelles on cherche à répondre par ces réflexions.

L’âge herméneutique de la raison et la « fonction méta »

CANULLO, Carla
2016-01-01

Abstract

Un texte de Stanislas Breton, "Passage, mon beau souci" , ouvre le mélange que, en 2004, les amis et les collègues ont consacré à Jean Greisch. Ce texte, dense, vibre de l’écho d’un vœu, que le souci heideggerien soit dépassé en vue d’un souci visant une « pratique très pragmatique du quotidien » ainsi que tous ses besoins vitaux, ce qui se résume par « le verbe habiter, inséparable de l’image persistante de la maison ou de la demeure, […] dont on ne sort qu’à condition d’y faire retour » . Ces besoins ne sont aucunement biologiques mais ils sont, pour ainsi dire, ontologiques, car « de même que tout ce que nous percevons et concevons se détache sur un horizon de monde, de même tout ce dont nous avons souci ne s’affirme que sur l’horizon d’un plus ample souci » . Et Breton poursuit : « La fonction méta, ancrée elle-même dans la pensée illimitante de l’être en tant qu’être, bouscule les limites du particulier pour le référer au méta-régional de l’universel. Sans cette élévation à l’universel, […] nulle philosophie ne (serait) possible. C’est pourquoi il n’est de souci au pluriel que par la référence à l’universalité d’un souci fondamental » . « Elévation à l’universel » qui assume la forme d’une traversée active, cette traversée et ce passage que le philosophe accomplit afin de les partager avec tout homme . Le passage est donc un motif caractérisant la philosophie, et cela non seulement parce qu’il amplifie tout être-là, mais encore parce qu’il s’enracine dans « l’être-dans » ainsi que dans « l’être-vers » caractérisant la condition humaine, à savoir dans cette « mobilité originaire et dynamique » qui fait que le philosophe soit en même temps passeur et médiateur de tout homme vers « sa » vérité et, peut-être, vers « la » vérité. Or c’est parce qu’il est passeur et médiateur que le philosophe croise le même langage que la « fonction méta », et donc le langage du transit ainsi que du déplacement. À ce transit et déplacement, bref, à ce passage de part à part philosophique, je me permets de juxtaposer une autre formule : « Passage, mon beau défi ». Si ce changement n’est aucunement un artifice rhétorique, c’est parce que mon hypothèse est que le défi est la Wiederholung que Greisch, (lecteur de Heidegger mais encore ami et lecteur de Ricoeur et Breton) fait de la métaphysique par la médiation (ou méditation) sur la « fonction méta ». Le cadre dans lequel cet article inscrit cette Wiederholung est le passage que Jean Greish a accompli de « l’âge herméneutique de la raison » vers l’« âge traductif de raison », un passage qui se donne même par le transit que la « fonction méta » met en œuvre. Donc, « passage, mon beau défi » mais encore « passage, ma belle Wiederholung » de l’herméneutique vers une nouvelle répétition de la « fonction méta » ainsi que des questions que celle-ci croise. Et ces questions, ne sont rien moins que les « contenus » que, ayant été découverts par la phénoménologie et l’herméneutique, la « fonction méta » livre à nouveau à la métaphysique – ou à la méditation métaphilosophique après la fin de la métaphysique. Et pourtant, quel genre de passeur, ou quel médiateur est-il le philosophe que par sa répétition occasionne le passage de tout homme vers « sa » vérité et, peut-être, « la » vérité, en devenant ainsi médiateur « de la » vérité ? Voilà les questions aux quelles on cherche à répondre par ces réflexions.
2016
9782705692803
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Utilizza questo identificativo per citare o creare un link a questo documento: https://hdl.handle.net/11393/234090
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