Le Mystère de la Chambre Jaune de Gaston Leroux ou le texte comme "opération architecturale"

I. Zanot
2018-01-01

2018
9788860565648
Accusée par Ruskin de s’être imposée « à l’être physique de par ses qualités utilitaires et fonctionnelles de machine à habiter, à travailler », l’architecture du XIXe siècle fut une grande source d’invention pour les écrivains. En France, les changements apportés par les travaux haussmanniens rayonnèrent sur une production soucieuse de peindre le nouveau visage de Paris ainsi que de l’espace domestique, fut-elle d’empreinte réaliste (Balzac, Zola) ou orientée vers le fantastique. Une voie originale en ce sens a été tracée par Gaston Leroux, chef de file du roman policier français ainsi que de toute une littérature des « ombres », selon la belle formule d’Isabelle Casta. Méconnu des critiques, Leroux s’inspire du Palais Garnier pour réinventer le gothique dans le Fantôme de l’opéra (1910) ; mais c’est dans Le mystère de la chambre jaune (1907) que l’élément architectural s’élève à véritable protagoniste de la narration, comme l’atteste le refrain sur lequel se module le récit (« le presbytère n’a rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat »). Fonctionnel à l’avancement de l’action, la description du lieu du crime s’insère dans un discours extratextuel où l’on ne cesse de s’interroger sur les enjeux de l’architecture moderne. Ainsi, le « pur étalage d’artifices techniques » qu’est celle-ci (C. Fournier Kiss) se transforme en un dispositif qui fait éclater le plan rationnel de la fiction, à l’instar d’Edgar Poe ; mais le pavillon où s’est déroulée l’agression de Mlle Stangerson devient aussi le moyen pour explorer « les rapports mutuels (…) de l’espace extérieur et de l’espace intérieur », dirions-nous en citant Giedion et son concept d’espace-temps. En témoigne le château du Glandier, monstrum où se mêlent les superfluités du rococo et le fonctionnalisme de l’habitation urbaine : ici le principe de « dissociation de la matière » découvert par M. et Mlle Stangerson est continuellement vérifié et remis en discussion. Encore, le héros Rouletabille réfléchit sur l’existence d’un « code moral » propre à l’architecture, autre idée chère à Giedion. Comparée à une « opération architecturale » (le livre contient même un plan dudit pavillon), l’enquête finit par décomposer pièce par pièce le château en même temps que la psychologie des personnages, selon un procédé qui anticipe et la technique cubiste et les expériences des surréalistes, fervents admirateurs de Leroux.
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Utilizza questo identificativo per citare o creare un link a questo documento: https://hdl.handle.net/11393/251197
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